Une cueillette de bleuets plus prolifique que prévu!
La région de Thetford se distingue grâce à ses immenses panoramas miniers. Peu importe de quelle route on arrive, les montagnes grises surprennent. Elles sont si grandes et si près de la ville! Quand en plus on voit un lac turquoise, on est éberlué. Mais d'où proviennent-ils? Qu'est-ce qui a façonné ces montagnes et ces lacs? Sûrement pas la nature! Ces questions sont souvent posées par les visiteurs qui passent au bureau d'information touristique. Pour leur bénéfice - et le vôtre! - voici quelques faits historiques importants à connaître, dont la fameuse cueillette de bleuets plus prolifique que prévu!
La découverte de l’amiante et le début des exploitations
C’est en 1876 que l’amiante chrysotile fut découvert dans la région de Thetford. On raconte que c’est en faisant la cueillette de bleuets que monsieur Joseph Fecteau découvrit ce qu’il crût être un filon d’or. Or, il est apparu qu'il s'agissait d'amiante chrysotile d'une qualité jamais vu auparavant. Effectivement, l’amiante était déjà bien connu avant notre époque par les civilisations grecques et romaines. Le mot amiante vient d'ailleurs du mot grec amiantos qui veut dire pierre pure et incorruptible. Ce minerai, principalement connu pour sa résistance au feu, était déjà exploité ailleurs dans le monde au moment où Joseph-Fecteau croyait ramener de l'or au bercail.
Dès 1878, trois compagnies minières vinrent s’installer dans la région et débutèrent alors leurs opérations aux mines Bell, King et Johnson. Puis s'enchaîneront des vagues de d'ouverture de nouveaux sites d'exploitation : mine Beaver en 1880, mine Fraser en 1881, mine Flintkote en 1886, mine Boston en 1908, pour n'en nommer que quelques-unes. Les premières exploitations furent très difficiles puisque les mineurs devaient tout faire avec la force de leur bras et celle de leurs chevaux. Mais heureusement, les techniques s'améliorent avec le temps.
On assiste également à cette époque à la création, à la fusion, puis au rachat de nombreux sites d'exploitation. À titre d'exemple, la mine British Canadian est le résultat de la fusion de cinq anciennes mines d'amiante exploitées individuellement par différentes compagnies minières à Black Lake, les compagnies ayant été mise sur pied suite à ce qu'un feu de broussaille ait révélé des gisements d'amiante en 1881.
En 1955, la mine Normandie, située à Vimy Ridge, et la mine Carey à Sacré-Cœur-de-Jésus, vinrent s’ajouter à la liste des mines en opération. En 1958, ce fut le tour de la mine Lac Amiante. Cette mine a eu des débuts particuliers puisqu'il a fallu, pendant quatre années avant son ouverture, draguer les eaux et les boues du Lac Noir, lequel rendait impossible l'exploitation d'un filon d'amiante promettant d'être extrêmement productif. Déplacer le lac s'est avéré être la seule solution, inenvisageable de nos jours.
Après une période faste, l'industrie minière décroit et les mines d'amiante ferment les unes après les autres, jusqu'à la dernière en 2012.
Résumé des mines : ouverture, fusion et fermeture
· Les premières mines à avoir vu le jour dans la région sont la Johnson, la King et la Bell, soit en 1878. Elles fermeront respectivement en 1964, 1986 et 2008.
· En 1880, le gisement de la mine Beaver est découvert et ferme définitivement en 1995.
· En 1881, le gisement de ce qui allait plus tard devenir la mine British-Canadien (BC-I et BC-II) est découvert. La mine BC fermera en 1997.
· En 1886, c’est au tour de la mine Flintkote de voir le jour. Elle fermera en 1971.
· En 1908, la mine Boston de Sacré-Cœur-de-Jésus commence son exploitation et celle-ci fermera en 1923.
· En 1930, la mine King opte pour l’exploitation souterraine.
· En 1951, c’est au tour de la mine Bell d’opter pour l’exploitation souterraine.
· En 1955, la mine Normandie de Vimy Ridge commence son exploitation et ferme définitivement 30 ans plus tard, soit en 1985.
· En 1955, la mine Carey de Sacré-Cœur-de-Jésus voit le jour et son exploitation perdura jusqu’en 1986.
· La mine Beaver se fusionne avec la mine King en 1957 pour alors former la mine King-Beaver. Les activités cessent en 1986.
· En 1958, la mine National aussi appelé la « Nationale » ou mine Pontbriand commence à être exploitée et elle fermera en 1986.
· Toujours en 1958, la mine Lac d’Amiante commence aussi à se faire exploiter par la compagnie Lake Asbestos of Quebec Ltd, la dernière à être fermée en 2012.
· En 1964, il y a eu d’importantes mises à pied provoquées par la fusion Société Asbestos et Johnson.
· En 1977, se passe la nationalisation de l'amiante par le premier ministre du Québec, René Lévesque.
· En 1978, c’est la création de la Société Nationale de l’Amiante.
Les ressources humaines
Grâce à la forte demande d’amiante, les mines avaient besoin de beaucoup de travailleurs. En 1897, l’industrie de l’amiante n’occupait, en moyenne, que 400 personnes. En 1910, elle en employait plus de 3 000. En 1997, l’industrie minière créa 1 309 emplois directement liés au secteur minier et 4 363 emplois indirectement liés.
Toutefois, trois grèves touchèrent l’industrie de l’amiante. La première en 1915 ne dura que 5 jours. La plus importante et la plus médiatisée en 1949 dura 4 mois et toucha 5 000 ouvriers des villes de Thetford Mines et d’Asbestos. Finalement, la grève de 1975 dura 7 mois et seuls les 3 500 ouvriers des 9 mines de la région de Thetford y participèrent.
Ville et population
D’abord connu sous le nom de Kingsville, elle fut renommée Thetford Mines en 1905. La population est passée de 5 000 personnes en 1905 à 22 000 personnes en 1970.
Entre 1953 et 1973, on assiste aux « grands dérangements » à Thetford Mines alors que les mines forcent la relocalisation de nombreuses maisons et édifices publics afin d’étendre leur exploitation.
Thetford Mines a fusionné avec Rivière-Blanche le 14 décembre 1994 et, depuis les fusions municipales au Québec le 17 octobre 2001, Thetford regroupe la municipalité de Saint-Antoine-de-Pontbriand, la municipalité du village de Robertsonville, la municipalité du canton de Thetford-Partie-Sud ainsi que les villes de Black Lake et bien sûr, Thetford Mines.
En 2020, la population de Thetford Mines est de 25 670 habitants.
Belvédères
Belvédère de la Mine BC : l’excavation principale (BC-I) mesure presque 2 000 mètres de long, 800 mètres de large, 200 mètres de profond et comprend une dizaine de paliers visibles, d’une quinzaine de mètres de hauteur. L'eau qui remplit naturellement les anciens puits miniers, dont on ne pompe plus les eaux de la nappe phréatique, nous parait turquoise. Cette couleur est due aux molécules d'eau et à de très fines particules en suspension qui renvoient les longueurs d'ondes bleues et vert pâle de la lumière solaire. Comme le fond de roche est clair notamment en raison d'un dépôt d'oxyde de magnésium, la couleur perçue est turquoise vif. De plus, l'eau du puits provient de la pluie et de la nappe phréatique. Il n'y a alors pas d'apport extérieur de matières organiques ou minérales pour troubler sa limpidité et changer sa couleur.
L’Ancien belvédère sur la route 112 surplombait le puits de la mine LAB Chrysotile. Le site contient aussi une énorme excavation, comptant deux puits d’exploitation. Cette particularité est due à la présence d’une masse importante de pierre stérile séparant les deux sites exploitables. Selon la norme, ils ont été creusés par gradins d’une hauteur de 15 mètres. Le plus grand puits mesure approximativement 1,5 par 1,3 km. Sa profondeur de 423,7 mètres est exceptionnelle. Le plus petit puits mesure environ 625 par 550 mètres et est beaucoup moins profond que le premier. Il est alimenté par une chute d’eau. Depuis la fin des opérations, les deux puits se remplissent d’eau. La partie sud de l’excavation s’est affaissée ainsi que la partie nord-est occasionnant la fermeture de la route 112. En 2009, le belvédère touristique installé sur cette portion de la route a aussi dû être fermé en raison de cet affaissement. En 2015, une voie de contournement de la route 112 est ouverte à l’ouest des installations, sur les terrains de la mine. Aujourd’hui, une carrière de granit concassé pour la construction est en opération sur le site.
Et puis? Vous n'auriez pas cru qu'une cueillette de bleuet allait conduire à la naissance d'une région minière, n'est pas?
Geneviève Clavet Roy